Interview de Jeremy  » Pop » Scott, le designer le plus déjanté de la planète sneaker

Jeremy Scott (Adidas Originals OByO JS) s'est livré à une très longue interview chez nos amis de Solecollector. Je vous propose une traduction des meilleures passages. On y apprend pas mal de choses sur le designer le plus déjanté de la planète sneaker

Jeremy Scott s’est livré à une très longue interview chez nos amis de Solecollector. Je vous propose une traduction des meilleures passages. On y apprend pas mal de choses sur le designer le plus déjanté de la planète sneaker : ses sources d’inspirations, les raisons de sa collaboration avec Adidas…. Bonne lecture !

« A ceux qui me critiquent, je réponds « Il n’y a pas que votre avis qui compte ». Lorsque des gens portent choses sans intérêt, je ne la ramène pas. Je passe juste mon chemin. »

Jeremy Scott
Jeremy Scott

Quand êtes-vous entré en contact pour la 1ère fois avec Adidas Originals et comment votre relation a-t-elle débuté ?

Jeremy Scott : J’ai d’abord été approché pour travailler sur un projet s’intitulant « ! S!gned », il y a 10 ans. Chaque personne impliquée a été chargée de créer sa propre chaussure. Une centaine de paires a été produit. Avec Adidas ,nous nous sommes équitablement répartis les paires.

(ND : Il parle de la Adidas Forum Mid Jeremy Scott) J’ai  apposé des billets en soie jacquard sur une Adidas Forum Mid. Il s’agit de notre 1ère collaboration. A partir de là, nous avons créé des sneakers juste pour mes défilés. Quelques années plus tard, en 2006,  nous avons de nouveau  travaillé ensemble sur  le projet Adicolor avec la Fondation Keith Herring. Ensuite, nous avons engagé une discussion à propos de la création  d’une collection permanente pour les vêtements et les chaussures.

Pourquoi la marque Adidas présentait-elle un certain intérêt pour vous ?

Jeremy Scott : Ce que j’aime chez Adidas, c’est qu’ils ont toujours eu un lien naturel avec la culture pop.  C’est comme pour pour la musique, la mode ou les différentes formes d’inspiration, Adidas a toujours été authentique de ce point de vue. Quand la culture Rave s’est appropriée la marque Adidas, ils ne furent pas plus choqués que cela. Ils dirent simplement « C’est cool ».

Ils ont réalisé également que leur ancien logo avait une autre signification chez certaines personnes. Quand Run DMC déclara son amour pour Adidas, ils furent adoubés. Cette ouverture est très  importante chez Adidas par rapport à une marque anonyme qui aurait eu une réaction de rejet de la culture Pop.

Adidas est une marque de sportwear et cela n’est pas contestable. Pourtant, ce que je trouve sympa chez eux, c’est leur authenticité et leur ouverture.  Je suis en quelque sorte un enfant de la culture Pop. Elle m’inspire sans cesse. Il s’agit des raisons pour lesquelles je travaille avec cette griffe.

Depuis, vous avez lancé votre 1ère collection qui comprend des vêtements et des sneakers. Quel a été l’élément moteur pour la création des vêtements lors de ces dernières années ?

Jeremy Scott : Je pense qu’il est vraiment important d’élargir la vision d’ensemble. Je suis vraiment ravi de créer des chaussures et des sneakers tout spécialement,  parce que c’est quelque chose que je ne fais pas forcément pour ma propre marque. En plus, j’ai toujours aimé les logos. J’aime beaucoup joué avec le logo Adidas que ce soit avec les 3 bandes ou le trèfle.

J’adore créer des choses nouvelles  avec les coupes de vêtements. Je suis très heureux que notre société possède des vêtements emblématiques que les autres marques n’ont pas. Il y a des choses beaucoup trop conformistes et j’aime bien casser cette monotonie comme par exemple prendre une veste et la réinventer. C’est vraiment une activité qui est à part dans mon ADN de styliste.  Regarder un objet et le transformer, j’adore ça.

Lorsque vous avez commencé à parler avec Adidas de la collection de chaussures, aviez déjà  une idée en tête ? Votre orientation est plus abstraite que ce que Adidas souhaiterait faire.

Jeremy Scott : Dans une certaine mesure oui.  Ils sont venus me voir en me disant : « hé, tu as carte blanche pour le design. Non seulement nous aimons ce que tu fais mais nous apprécions également le travail que tu as réalisé lors des précédents projets. » Ils ont tous rencontré le succès. Ils leur est paru évident que j’aimais et respecté leur marque. J’occupe une place un peu à part, peut-être parce que mes collections sont uniques et qu’il s’agit de ma propre vision des choses. Adidas voulait que je fasse un travail dans la lignée de ce qui avait été fait auparavant.

Quel était le concept derrière la Adidas Originals Wings, un modèle que les gens se sont vraiment appropriés ?

Jeremy Scott : Et bien, j’ai eu différentes idées. Je voulais faire quelque chose qui donne une nouvelle envergure au pied.

C’est vraiment intéressant.

Jeremy Scott : Yeah. Je me suis demandé comment est-que je pouvais faire cela sans faire obstacle à la marche. Je me suis demandé également  » Comment donner une nouvelle forme à une paire sans pour autant créer des chaussures pour clown ? »  J’ai pensé à cette à cette extension et l’idée d’une forme ailée est venue naturellement. De l’idée des statues grecques et de l’antiquité, à celle des basketteurs qui s’élancent dans les airs pour faire un dunk, tous les éléments me sont venus ensemble.  J’avais déjà eu l’occasion d’utiliser des ailes pour mes travaux, c’est quelque chose que j’aime. Elles ont une image positive qui renvoie à l‘optimisme. Les gens apprécie cela. Il n’y a rien de négatif avec les ailes. J’ai aussi apprécié l’idée de concevoir une sneaker qui pourrait être adaptable (modulable). Vous pouvez retirer les ailes par exemple, mais je suppose que personne ne le fait.

Adidas Originals Jeremy Scott Wings Marble
Adidas Originals Jeremy Scott Wings Marble

Effectivement, personne ne les retire.

Jeremy Scott : Yeah. Mon idée était de créer quelque chose de vraiment nouveau.

Vous avez également cherché à travailler sur le design des languettes, que ce soit pour la Adidas 3 Tongues ou encore le modèle Teddy Bears. Quel a été votre pensée derrière  le design de la languette ?

Jeremy Scott : J’ai juste réfléchi à la manière avec laquelle je pouvais bosser dessus. Que je la redimensionne d’un côté ou d’un autre, je pense que la languette est comme un territoire qui n’avait jamais été exploité. C’est tellement évident de partir  à l’aventure. La première collection de sneakers avait des languettes en forme de trèfle surdimensionné. Je cherche sans relâche à faire quelque chose de nouveau avec cette partie de la basket, de la Adidas Teddy Bears au modèle Mickey Mouse.

Adidas Originals Teddy Bears
Adidas Originals Teddy Bears

Comment vos collections ont-elles été accueillies par vos collègues designers et vos amis ?

Jeremy Scott : J’ai toujours reçu un soutien de leur part. Je dirais également qu’ils sont un peu jaloux (humour) car ils n’en reviennent pas que je dispose d’autant de liberté. Cela va de sûrcroit avec le fait que les baskets sont produites en nombre et se retrouvent en rupture de stock. Ca marche dans les 2 sens.  Je suis ravi de faire une chose que je j’aime, en laquelle je crois et qui rencontre le succès. Normalement, cela ne va pas de mèche. Par exemple, vous pouvez avoir une grosse campagne de promotion et l’histoire d’une collection comme celle-ci. Pourtant, il se peut que les ventes ne décollent pas. Dans une autre optique,  un manager peut vous dire : « Nous avons déchiré les ventes ». Cependant, Ces chaussures ne présentent aucun intérêt et personne n’aime en parler.  Nous avons eu la chance de profiter de cet étrange mixture entre le succès et la créativité. La mayonnaise ne prend pas toujours.

Je pense que c’est pour les raisons que vous avez mentionnées plus haut, que vous avez souhaité travailler avec Adidas. Il y a un mélange plutôt sympa de culture pop, d’originalité et de créativité derrière ce projet.

Jeremy Scott : Tout à fait. C’est le point de départ de la conception de mes collections. C’est tellement naturel, spontané, et non calculé.  Il n’y a pas de comité de planification, et personne pour me dire « Nous allons réaliser le design de la collection de cette manière-là ».  Généralement chez les grandes marques, il y a cette volonté de planifier les choses avant même que le moindre design ait été réalisé.

Avez vous été impliqué dans le processus de production en raison du caractère peu courant des pièces de vos collections ?

Jeremy Scott : Tout à fait. C’est un challenge auquel je suis habitué.  Si vous souhaitez qu’une chose soit faîte comme vous le voulez, j’ai appris qu’il fallait tout superviser jusqu’à la fin. Il n’y a pas d’autres solutions. Je dois donner des instructions claires, des détails et d’autres informations. Que ce soit pour des vêtements ou certaines chaussures, je vais les fabriquer de mes propres mains dans mon studio avec l’aide de ma couturière et de mon modéliste.

Avez-vous déjà eu une idée qui allait beaucoup loin ? Avez vous rencontré de la réticence de la part d’Adidas ?

Jeremy Scott : Non, pas du tout. La seule chose avec laquelle nous avons eu des problèmes sont les délais. Les pièces étaient novatrices. Par conséquent, il fallait plus de temps pour les produire. Je ne voulais pas sortir quelque chose de bâcler.  On a donc dû repousser la commercialisation de certaines pièces. Il n’y a pas de censure. Cela pourrait choquer les gens.

Il y a une chose que je veux vous demander. Y-aura-t-il une saison où vous concevrez une collection qui fait dans la sobriété, pour prendre les gens au dépourvu  ou allez vous continuer à repousser les limites de la créativité pour la conception des chaussures ?

Jeremy Scott : (Rire) Juste pour que les gens soient désarçonnés ? Ces créations représentent ce que je suis. Je suis quelqu’un d’authentique.  Alors, non (rire).

C’est bon à savoir. Quels sont vos modèles Adidas  favoris, ceux que vous appréciez depuis plusieurs années ?

Jeremy Scott : J’aime particulièrement la Adidas Attitude, un modèle qui sert de base à pas mal de mes baskets.  J’ai toujours aimé les baskets montantes depuis mon enfance. D’ailleurs, j’ai retrouvé une vieille photo sur laquelle je devais avoir 8 ans. J’avais une paire de sneakers montantes et un pull qui descendait jusqu’à mes cuisses. Je me suis dis « oh, je m’habille encore de cette manière là (rire). J’aime les Adidas Attitude et je pourrais la prendre comme modèle de création pour toutes mes baskets. Parfois, je suis obligé de me forcer moi-même à me détourner de la Adidas Attitude parce qu’il n’y a personne pour le faire.  Je me dis « Ughhh, essaye un autre modèle, essaye un autre modèle » (rire). Elle a toujours été une de mes paires favorites.

Adidas Originals Attitude
Adidas Originals Attitude

Pouvez-vous nous en dire plus à propos du pouvoir que vous avez au sein de l’organisation ? Vous jouissez d’énormément de liberté. La plupart des designers qui bossent sur des collections comme la vôtre n’ont pas autant de liberté.

Jeremy Scott : Yeah, je me sens béni de ce point de vue-là. Mais, je ne sais pas si je pourrais travailler autrement. J’ai conscience d’avoir beaucoup de chance. Je possède ma propre marque et elle m’appartient à 100%. Je n’ai  personne pour me dire ce que j’ai à affaire. Je suis ravi et chanceux d’avoir ces mêmes conditions chez Adidas, Longchamp, Swatch, et tous ceux avec qui je suis amené à travaillé. J’ai les mêmes approches et relations. C’est formidable car j’ai l’intime conviction que chacun parvient à ressentir que j’aime ce que je fais. Je ne pourrais pas faire une chose si je ne l’aimais pas.  J’y crois vraiment.  Je ne vais pas m’attacher à juste développer un nom ou une image. Chaque design que je réalise vient de mon coeur. C’est comme cela que je travaille.

J’ai écrit un édito intitulé « Je peux aimer celui-ci et détester celle-là ». C’était à propos de la Adidas Teddy Bears rose. Je ne porterais probablement pas cette paire pourtant, j’apprécie le fait que les marques commercialisent de telles baskets. Certaines personnes n’ont pas un avis aussi positif que le mien. Comment avez vous accueilli les opinions de vos détracteurs ?

Jeremy Scott : De temps en temps, on me tweete des liens pointant vers des discussions autour de mes nouvelles paires. Quand je clique dessus, je peux voir ce dont ils parlent. Alors tu vois d’autres personnes entrain de me dénigrer. Parfois, je me dis « C’est vraiment vexant ! » Les gens peuvent être tellement méchant.

Et bien, c’est courage numérique (ND :  Avec Internet, on peut dire des choses que l’on ne dirait pas en face des gens…)

Jeremy Scott : Le courage numérique. C’est parfait. Je n’ai jamais entendu cela mais ça colle parfaitement. C’est la vérité. Parfois, ils sont tout simplement cruels et malveillants. Tu sais ce qu’ils te diront « Qui pourrait acheter un truc pareil ou qui pourrait porter ça ? « .  Pour vous dire, on ne fonctionne pas comme une organisation caritative. Vous pensez que mon contrat sera reconduit uniquement parce que je suis mignon ?

Il l’est par ce que mes collections rencontrent le succès. Si tu n’aimes pas, il te suffit de te dire que mes pièces ne sont pas faîtes pour toi. Le monde est immense, notre marque l’est également. Notre clientèle est variée. Je m’adresse à certaines personnes et parfois les gens disent  » Seule une pop star peut porter ça ». C’est vrai, je pourrais faire une longue liste de pop stars qui porteraient mes vêtements. La vérité c’est que mes créations sont portées par le citoyen lambda. C’est vraiment ce qui m’importait dans toute cette affaire. Je voulais créer des objets intéressants, passionnants,  avant gardistes et  qui soient accessibles et financièrement abordables.  Il s’agit de l’ une des raisons pour laquelle j’ai décidé de travailler avec Adidas. Je ne pense pas qu’il y ait des gens qui ne soient pas intéressés par quelque chose de nouveau. J’ai eu la preuve que cela été vrai.  Souvent, des  vêtements sont hors de prix ou difficilement accessible parce qu’ils existent uniquement dans la haute couture, le monde dont je suis issu. Vous ne les retrouverez nulle part ailleurs en raisons des barrières imposées par l’univers de la mode. Je suis un couturier mais  j’ai toujours été un populiste bien que  j’évolue dans un univers élitiste. J’aime que les gens portent mes vêtements. Je veux les voir les porter. Pour moi, c’est une forme d’accomplissement. Quand je dis les « gens », je parle des personnes dans la rue. Bien entendu,  j’adore voir Rihanna porter mes vêtements et ceux, pour de multiple raisons. Vous rajoutez à cela le fait qu’elle est une femme adorable. (Rire) J’aime quand des millions de personnes voient Rihanna entrain de les porter. C’est très excitant. Je suis très heureux de ça. Attention, cela ne veut pas dire que je n’accorde pas le même intérêt à un inconnu qui porte mes vêtements. Je suis toujours très content et je me dis « C’est incroyable. Quelqu’un marche avec une pièce que j’ai confectionné ». Cela me rend très heureux.

A ceux qui me critiquent, je réponds  » Il n’y a pas que votre avis qui compte ». Lorsque des gens portent choses sans intérêt, je ne la ramène pas. Je passe juste mon chemin.

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7 commentaires

  1. Pour la Adidas Attitude je trouve qu’il ne sait pas foulé, elle me rappelle une paire que je connais très bien ..;

  2. Je voulais savoir si sur les Js wings il était possible d’enlever l’aile de côté ?

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