Le made in France, voilà un thème qui dépasse largement l’univers de la sneaker. Il s’agit d’un sujet très politique. Il est revenu sur le devant de la scène lors de la précédente campagne présidentielle. On a même un ministre qui a posé en marinière afin de promouvoir les produits tricolores. Quels sont les enjeux ? Comme de nombreux pays développés, la France a été touchée de plein fouet par la désindustrialisation. Le processus a commencé au milieu des années 70. Les entreprises comme Adidas ou Le Coq Sportif avaient une partie de leur production en France. Compétitivité oblige, elles ont délocalisé leur activité dans les pays asiatiques où les coûts sont moins élevés. Le processus s’est accompagné d’une destruction d’emplois. Aujourd’hui, la donne semble avoir changé. La tendance est à la relocalisation. Les entreprises rapatrient une partie de leur production dans leur pays d’origine. Les coûts dans les pays asiatiques ont augmenté. Il en est de même pour le prix du transport. Offrir des produits d’une meilleure qualité est également une des motivations des entreprises.
Dans l’univers de la sneaker, il n’est pas rare de voir des baskets made in UK, USA ou Italy. New Balance fabrique depuis des années des running à Flimby. La marque de sportswear parvient à les proposer à des tarifs compétitif (175/185 euros pour une New Balance 1500). Certaines paires vendues chez J.Crew sont produites aux Etats-Unis. Les dernières Diadora N9000 viennent tout droit d’Italie. Idem pour les Buscemi. Filling Pieces fait confectionner ses sneakers au Portugal. Nike pourrait bien s’y mettre prochainement. Dans une récente interview à Bloomberg, son président a affirmé que des Nike Flyknit pourraient être fabriquées aux Etats-Unis. Le consommateur est prêt à payer plus cher pour avoir une paire de meilleure qualité. Le côté artisanal séduit également.
Adidas a jeté un pavé dans la mare en faisant produire de nouveau la Superstar par les Ateliers Heschung, en Alsace. On croyait le savoir faire perdu mais non. Cette entreprise familiale la produisait dans les années 70. Malgré son prix de 220 euros, elle a été bien accueillie par les fans. Pour l’instant, le climat est à l’euphorie générale. Cocorico ? Essayons de redescendre un peu. La France a un handicap par rapport aux pays cités plus haut. Son coût du travail est plus élevé que celui des Etats Unis, du Portugal, de l’Angleterre ou de l’Italie. Cela n’est pas négligeable car il impacte le prix final. Par contre, la France est davantage compétitive en termes d’image. La confiance, la sécurité, la qualité, sont les valeurs auxquelles les Français associent la production locale. A l’étranger, le Made in France est bien perçu. Notre pays conserve un certain prestige. C’est très important. L’image peut justifier un tarif plus élevé. Si la marque aux trois bandes souhaitent produire d’autres paires en France, elle sera confrontée à un défi de taille : Trouver le juste prix. La version Consortium Made in France a un aspect exceptionnel (édition limitée, les 45 ans du modèle…). Le côté « revival » (retour au source…) joue également. Je ne suis pas certain que les fans achètent tous les jours des Adidas Superstar à 220 euros. Les gens n’ont-ils pas pesté contre les Stan Smith x Raf Simons à 280 euros ? Pareil pour la Nike KD 6 EXT Suede Black Gum. Certes la basket est jolie mais peu de gens veulent mettre plus de 200 euros pour l’acheter. Je pourrais multiplier les exemples. Les fans dépassent la barrière psychologique des 200 euros pour une sneaker exceptionnelle. Peut-on encore produire des sneakers dans l’Hexagone ? Oui mais à la condition d’aller au-delà des attentes de l’acheteur. L’idée n’est pas fabriquer pour le plaisir de fabriquer en France mais d’apporter un réel plus par à l’offre existante.
Photo de la couverture : Titolo
Merci pour cet article.
Perso, je pense que les gens sont prêt à payer « plus cher » pour quelque chose de meilleure qualité, mais pas à payer « beaucoup plus cher ».
Si on prend l’exemple de la Superstar, c’est 90€ le modèle « made in Asia ». Je suppose que les gens seraient près à mettre 110-20€ pour un modèle made in France (peut être), mais avant tout avec du vrai bon cuir dedans.
Au-delà, ça va commencer à être plus difficile à faire accepter. Un modèle comme la SuperStar, c’est un basique, une chaussure « simple ». Si un modèle à 90€ « made in Asia » passe à plus de 150€ pour du « made in quality », alors cela voudrait dire que pour des modèles actuellement à 130€, il faudrait débourser combien ? plus de 215€ ?
Je ne pense pas que ça se vendra à ce prix là.
Ca se vend à ce prix là quand c’est de la petite série, pas quand on parle de modèle en « general release » ou équivalent…
D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que nous sommes actuellement dans une période ou la basket est à la mode. Mais ce phénomène va inévitablement s’estomper. Et le nombre de ceux qui sont près à dépenser énormément pour être dans la hype, avec.
Restera les « vrais » amateurs, qui sont là depuis des années et ne suivent pas spécialement les modes, qui seront sans doute près à faire un effort pour avoir une meilleure qualité, mais pas à un effort déraisonnable.
(c’est mon avis et je le partage 🙂 )
On reviendra toujours sur les histoires de prix. C’est bien beau de relocaliser en France, l’effort est beau, mais qu’en pense l’acheteur? On est dans un climat ou le chômage est encore monté, les gens sont beaucoup plus proches de leurs porte-feuilles, beaucoup plus parcimonieux.
Comme tu l’a dit BOSS, il est prêt à franchir la barrière psychologique des 200€, mais je ne pense pas qu’il le fasse pour tous les modèles.
Made in France oui, mais payer au prix d’une sneaker de luxe non.
Aprés chacun ses moyens 🙂
D’accord avec toi Fred, même si l’exemple de la SUPERSTAR est assez différent, on est dans l’artisanat.
Quand tu regardes les JORDAN, tu prends la 3, on est passé de 109.99€ à 200€, ça fait mal, pourtant, ça n’arrête personne (sauf peut être les vieux comme nous 🙂 ), et perso je ne pense pas que la qualité sera « bien meilleure » que les précédentes retro.
Je pense qu’il y a une histoire de marque, de puissance de marketing, une JORDAN à 250€ ça passera toujours mieux qu’une paire de SUPERSTAR à 200€, c’est indéniable.
Pour la Superstar, celles fabriquées par Heschung, c’est clairement de l’artisanat, donc un cas particulier oui.
C’est pour ça que j’évoquais des prix plus bas (120€) qui pourrait être le prix maxi pour un produit industriel « made in France », prix au-delà duquel je pense qu’un produit basique ne se vendrait pas.
Après, c’est sûr que certaines marques comme Jordan arriveront toujours à faire passer plus facilement que d’autres des tarifs exagérés. Y a qu’à voir le prix des AJ1 : 140€ et ça se vend. 160€ demain et ça se vendra…
Il y a un truc qui me dérange dans tout ça si on parle uniquement de qualité de fabrication et d’ailleurs ce n’est pas le cas que dans la sneakers, à force on croit qu’il n’y a que chez nous qu’il est possible d’atteindre un niveau de qualité donné alors que ce n’est pas vrai, la qualité de fabrication est celle que l’on impose, les chinois savent aussi très bien faire du high end…
Je suis tout à fait daccord : on a ce que l’on est prêt à payer.
J’ai souvent ça dans mon boulot : les clients veulent des prix planchers, et quand ils les ont et qu’ils reçoivent les produits, ils se plaignent de la qualité.
Sauf que le problème, ce n’est pas le fait que c’est fabriqué dans un pays Low Cost. Le problème, c’est que le client n’a pas voulu payer la qualité. Ils ont demandé un prix, le plus bas possible.
Les pays Low Cost savent faire de la qualité. Ce sera toujours moins cher que chez nous la plupart du temps (la M.O. restera toujours beaucoup moins cher. Ce qui va essentiellement jouer après dans le prix, ce sera les frais de logistique).
Mais quand on n’est même pas prêt à payer le minimum pour avoir de la bonne qualité dans un pays Low Cost, faut pas râler…
Salut Boss,
J’ai trouvé votre article très intéressant.
Et pour répondre à la question de départ, je pense que fabriquer des sneakers en France serait un peu compliqué (vous avez d’ailleurs fait un dossier sur la marque Vime, qui fait office d’exemple).
J’aimerais, cependant poser une question.
Dans un de vos commentaires vous avez dit que le made in France ne marchait pas spécialement dans les autres pays Le made in France n’a pas spécialement une bonne image à l’étranger.
« C’est un argument qui marche en France mais en dehors de nos frontières, c’est plus compliqué. Je vais développer le sujet dans mon prochain édito. »
Mais dans cet édito c’est un peu le contraire que je lis
« A l’étranger, le Made in France est bien perçu. Notre pays conserve un certain prestige. C’est très important. »
Donc, j’aimerais savoir en fin de compte, laquelle de ces 2 réponses est bonne ?
« C’est un argument qui marche en France mais en dehors de nos frontières, c’est plus compliqué. Je vais développer le sujet dans mon prochain édito. » Je me suis ravisé dans un autre commentaire. Ce sont les produits industriels qui n’ont pas une bonne image car la France fait du moyen de gamme. Pour la mode et le luxe, c’est différent.
Merci pour cet article interessant ainsi que les différents points de vue des membres qui sont tous « bons »
je souhaiterais rajouter un autre angle de vue, fabriquer en France est une décision politique, j’entends par là qu’a un moment donné les dirigeants d’entreprises décident de revoir leur position concernant les marges de leurs produits ou tout du moins pour certains de leurs produits mais consommer Français(ou Européens est aussi une décision politique).
J’achète tel produit parce que derrière je m’assure par exemple des conditions de travail dans telle ou telle entreprise ? cette dernière respecte telle l’environnement ? les enfants travaillent ils dans cette entreprise ? ou se trouve les sites de production ? le covoiturage est il encouragé ?…….;Cela va peut être en faire sourire certains mais ce type de notation existe pour les marque de sportwears outdoors ( Arcteryx The North Face, Patagonia…) pour orienter les consommateurs qui le souhaitent. (je ne suis pas sur du site mais je crois que c’est l’association moutains wilderness qui l’établit).
Pour les sneakers, à ma connaissance on en est pas encore là mais pourquoi pas un jour ce type de classement ? Tout cela pour dire qu’une relocalisation dans nos pays ne pourra être viable à grande échelle que si les consommateurs sont partie prenante du projet (voie même instigateur).
Tout de suite vient le problème du prix? beaucoup diront c’est bien beau de faire du made in France mais si c’est 2 fois plus cher je n’achèterai pas ET ILS ONT RAISON. Mais certaines entreprises acceptent de baisser leur marge (ça c’est une décision politique !) en proposant un prix « juste » (on peut pour exemple prendre le cas de New Balance mais il serait interessant de voir si ce modèle économique est viable avec cet usine 100 % U.S. ou si la viabilité du système est aussi assurée par la production en Chine des autres nb).
Raidlight , marque française outdoor propose aussi des produits made in France (pas nombreux certes mais il y en a) a des prix du marché.
De plus beaucoup de ski et snowboard sont produit en Suisse et Autriche au prix du marché (et pourtant leur main d’œuvre est loin d’être la moins chère du marché mais la qualité est là ainsi que le savoir faire donc il est possible de fabriquer chez nous !!! a des prix qui ne sont pas exorbitant).
De plus je m’interroge toujours sur la barrière psychologique du prix. Bien sur que l’immense majorité des acheteurs de sneakers regardent le prix et veulent le moins cher mais quand on regarde ce qui se porte , est ce les moins chères que l’on voit au pieds des gens ?, combien coute la air jordan xi blue legend ou les gens font la queue depuis une semaine ?? (pathétique pour moi et je serai curieux de connaitre le revenu moyen des gens qui sont dans la queue) donc le prix est certes une bonne raison mais c’est aussi pour moi une bonne excuse toute faite pour les dirigeant (et les acheteurs) de justifier leur délocalisation. Je pense que d’abord en tant qu’acheteur nous devons nous poser les bonnes questions (moi le premier et loin de moi l’idée de faire la morale a qui ce soit !!)
je ne sais pas si j’ai été clair ou compréhensible mais c’est sympa d’échanger sur des thèmes qui peuvent peut être un jour impacter la production de nos sneakers.
220 € / 1000 en France pour la gallerie et un joli biscuit pour les journalistes les journalistes – en tout cas ça marche, tout le monde en parle, au même moment ils ouvrent une ligne de 1 million de paires au Portugal et continuent de faire des dizaines de millions de paires en Asie
D’un point de vue technique peut-être mais au niveau marketing du luxe made in China, ça ne fait pas rêver.